Penser que James Bond habite dans des maisons chics, contemporaines ou extravagantes est un malentendu fréquent.
Ce n’est pas lui, mais ses adversaires, qui ont un goût prononcé pour l’architecture moderne et un style de vie visionnaire, ceci grâce notamment aux décors époustouflants de Ken Adam qui a forgé le « style James Bond » dès sa première aventure cinématographique.
L’auteur Ian Fleming fait habiter son héros dans des appartements de style classique et conventionnel.


« Dr No », le premier film de la série présente donc un habitat fidèle aux descriptions des livres. Le seul détail excitant dans cet environnement traditionnel et un peu poussiéreux sont les jolies jambes de la golfeuse – qui ne font pas partie du décor.


La chambre où 007 (Sean Connery) et Holly Ryder (Ursula Andres) sont prisonniers après avoir été capturés par le mystérieux Dr. No est d’un tout autre design : portes métalliques coulissantes, parois en pierre épurée, mobilier moderne (le moderne de 1962), avec une fente longitudinale dans le mur en guise de bibliothèque.

Ce contraste entre le monde classique et cosy de James Bond et le monde hypermoderne et froid de ses ennemis se trouve déjà dans les livres de Ian Fleming qui détestait tout simplement l’architecture moderne.
Au point de nommer un de ses méchants « Goldfinger » en référence à l’architecte Ernö Goldfinger qui avait osé construire une maison moderne dans le quartier bourgeois et chic de Hampstead, à proximité de la maison de l’écrivain. Cette villa détonne en raison de son audace et de ses formes sobres, très inhabituelles pour 1939, qui de plus suscite le mépris des voisins.
Ian Fleming va jusqu’à quitter son quartier pour aller vivre en Jamaïque — même si l’on peut supposer que la mauvaise météo britannique a également joué un rôle dans son départ.

Ce qui est sûr, c’est qu’il est tellement dégoûté de l’architecture moderne que, dans ses romans, il fait habiter les adversaires de James Bond dans des villas démentielles, au style avant-gardiste. Une vision que traduit le talentueux chef décorateur Ken Adam dans des espaces délirants et très ciné-géniques.


Il faut attendre 11 ans et un nouveau James Bond (Roger Moore) pour apercevoir une deuxième fois l’appartement de notre agent secret. Aussi ringard que le premier, le décor s’efforce néanmoins d’introduire (avec peu de succès) quelques bribes de design (le revêtement Vénilia au motif circulaire au-dessus de l’évier, la lampe en bandeau de cuivre). Mais il possède cependant une bonne « machine à expresso ».


Dans « Spectre » de 2015, James a le visage de Daniel Craig et un nouveau logement duquel on peut voir l’extérieur pour la première fois. Quartier toujours aussi bourgeois et feutré, intérieur plutôt bordélique et inachevé : un concept assez cohérent pour le logement d’un célibataire qui passe la plupart de son temps (et de ses nuits) dans des hôtels autour du monde plutôt que chez lui.


Et qui semble ne jamais recevoir de visiteur – ce que constate en un clin d’œil sa collègue Eve Moneypenny (Naomie Harris) qui passe à l’improviste.


Heureusement que son adversaire, Ernst Stavro Blofeld, offre un peu plus tard dans le même film, une chambre de repos /prison digne de ce nom, dans la ligne de celle du Dr. No, pour que notre agent secret et sa concubine du moment (Léa Seydoux) puissent se reposer avec style.
DR. NO (James Bond 007 contre Dr. No) 1962 Terence Young
TO LIVE AND LET DIE (Vivre et laisser mourir) 1973 Guy Hamilton
SPECTRE 2015 Sam Mendes
Une réflexion sur “Habiter comme James Bond”