Du Dr. No au Dr. Folamour

S’il y a une personne qui a façonné le « style James Bond », c’est bien le chef décorateur Ken Adam, né en 1921 à Berlin. Il a conçu les décors et le design de la série depuis le premier film « James Bond contre Dr. No » en 1962, jusqu’à « Moonraker » en 1979.

Après avoir fui avec sa famille la montée du nazisme dans les années 30, Ken Adam devient pilote dans la RAF et commence à travailler pour le cinéma britannique dans les années 50.

Ken Adam est également à l’origine de nombreux gadgets et jouets high-tech devenus indispensables pour l’agent 007, parmi lesquels de nombreuses voitures suréquipées qui tirent, nagent et volent (ci-dessus la fameuse Aston Martin DB5 dans « Goldfinger »).

Quand Albert R. Broccoli et Harry Saltzmann engagent Ken Adam pour la toute première aventure cinématographique de James Bond, il a déjà collaboré avec Robert Aldrich (« Tout près de Satan »), Jacques Tourneur (« Rendez-vous avec la peur ») et Robert Siodmak (« Le Corsaire rouge »).

Dans « Le Corsaire rouge », film de pirate avec Burt Lancaster, on repère une séquence digne d’un film de James Bond : dans la scène ci-dessus, une tour en bois s’avère être un cheval de Troie qui se transforme en Montgolfière avec artillerie lourde.

Dans « Dr. No », James Bond enquête à Kingston, en Jamaïque, pour localiser l’insondable Dr. No (Joseph Wiseman) – membre du redoutable SPECTRE – organisation criminelle qui vise à dominer le monde.

Le repaire du méchant est situé sur l’île Crap Key, un endroit aux airs de paradis vierge en surface…

… mais qui cache en profondeur d’importantes constructions souterraines reliées par des couloirs dissimulés.

Dr. No possède une mine de bauxite sur l’île, qui lui sert de couverture pour son laboratoire secret avec réacteur nucléaire prêt à dérégler le programme spatial Mercury de la Nasa.

Ce laboratoire (ci-dessus une des esquisses préparatoires de Ken Adam*) est le premier d’une longue série de salles de contrôle hypermodernes au service d’un super méchant fou à lier.

L’espace est structuré par une rangée de poteaux-poutres métalliques obliques qui n’aurait pas déplu à Jean Prouvé. Elle introduit un paramètre essentiel du design d’Adam : des espaces dynamiques où des géométries simples s’entrecroisent afin de créer de la profondeur de champ.

Le film bascule alors dans sa dernière partie dans une ambiance futuriste, inhabituelle dans les films d’espionnage de l’époque …

… renforcée par l’omniprésence des combinaisons de protection transparentes, blanches et fuchsia.

Le salon de Dr. No est sculpté dans le rocher. Il s’en dégage une ambiance proche des villas méditerranéennes de José Antonio Coderch. Il étonne par son ameublement éclectique – autre marque de fabrique de Ken Adam : combiner un décor futuriste avec un mobilier classique.

La première esquisse de Ken Adam pour le salon montre déjà l’essentiel : les parois sculptées dans la roche, le grand aquarium et plusieurs plateaux et estrades reliés par des emmarchements larges. Le grand portique à droite, pour accentuer la profondeur de champ, n’a pas été retenu dans le décor final.

L’étonnant grand aquarium – unique « fenêtre » vers un monde extérieur – est la grande fierté du Dr. No, qui affirme avoir lui-même dessiné les plans. Sa construction a coûté la bagatelle de 1 million de dollars (montant qui correspond au budget total du film).

La pièce la plus mémorable reste l’impressionnant « Tarantula Room » (ci-dessus croquis préparatoire de Ken Adam*) où le perfide Professor Dent (Anthony Dawson, ne pas confondre avec Antonio Margheriti, dit Anthony M. Dawson, réalisateur italien) au service du Dr. No, récupère une tarentule pour éliminer James Bond.

Une immense lucarne quadrillée par une impressionnante grille domine le plafond et plonge cet espace stylisé dans une ambiance de film noir expressionniste.

A la sortie du film, un certain Stanley Kubrick impressionné par ce décor, engage sur-le-champ Ken Adam pour son prochain projet, « Dr. Folamour », dans lequel le designer va créer l’emblématique « war room », un décor devenu légendaire…

*les dessins de Ken Adam sont propriété de la Deutsche Kinemathek / Ken Adam Archiv

Dr. No (James Bond contre Dr. No) 1962 Terence Young

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