Introduire Marseille (1931-1970)

L’ « establishing shot », l’image qui établit le lieu d’un film et qui pose le décor au sens large, est indispensable dans le cinéma classique.

Ces points de vue sont un peu passés de mode dans le cinéma contemporain.

L’exemple de Marseille montre quelques similitudes d’approche avec des vues supposées incontournables, mais aussi avec des différences ou des transgressions par rapport au cliché de « carte postale ».

La fameuse Trilogie marseillaise de Marcel Pagnol, commencée en 1931 avec « Marius » et mise en scène par le chevronné Alexander Korda, introduit l’intrigue avec un panoramique somptueux de droite à gauche centré sur le vieux port avec son pont transbordeur*.

Ce mouvement de caméra, de la ville en passant par le Vieux-Port et du palais du Pharo jusqu’à la mer, contient déjà l’essence de l’histoire à venir : l’appel du large habite Marius, qui, malgré son amour ardent pour Fanny, rêve de quitter Marseille.

La suite de l’histoire, « Fanny », tournée en 1932 par Marc Allégret, commence à nouveau avec une vue du Vieux-Port, mais cette fois-ci depuis la tour du Roi René du fort Saint-Jean avec le départ du voilier dans lequel Marius embarque pour découvrir le monde.

L’image suivante montre le point de vue de Marius, qui contemple une dernière fois la basilique Notre-Dame-de-la-Garde à travers les pieds gigantesques du pont transbordeur. Un matelot salue le voilier avec en arrière-plan le port de la Joliette et son imposant « Grand Entrepôt de la Compagnie des Docks ».

L’immensité du port de Marseille est ainsi amplifiée avant de passer aux petits drames qui se jouent autour du Bar de la Marine avec une Fanny qui est tombée dans les pommes (car enceinte) après le départ de son amoureux…

Enfin, « César », mis en scène par Marcel Pagnol lui-même en 1936, met une fois de plus le vieux port bucolique et l’incontournable pont transbordeur en avant pour accompagner le générique de début.

Les débuts de ces trois films amplifient la dynamique d’un port à la fois moderne et pittoresque pour introduire la ville phénicienne.


Tourné en 1965, le début de « La Vieille Dame indigne » du marseillais René Allio s’ouvre sur des images d’un album photo qui présente la famille de Berthe Bertini (qui joue la vieille dame), mais aussi des vues de carte postale du port de Marseille (toujours avec le fameux pont transbordeur).

Avant d’enchaîner sur plusieurs vues paisibles du village de l’Estaque en face de Marseille, où habite Madame Bertini.

Le générique qui suit s’inscrit sur un panoramique qui tourne lentement de droite à gauche à partir des collines, avec Marseille au premier plan …

… jusqu’au Vieux-Port avec son tout nouveau front bâti – conçu par Fernand Pouillon et construit entre 1951 et 1955. Un deuxième travelling enchaîne sur les installations portuaires avant de revenir enfin vers l’Estaque, où l’histoire de la vieille dame peut commencer.


« Borsalino » est une glorification de la pègre marseillaise en 1930, incarnée par le duo de choc Delon – Belmondo en bandits rusés, impitoyables et charismatiques. Le film commence avec la libération de Roch Siffredi (Alain Delon) de la prison des Beaumettes…

Réalisé en 1970 – donc difficile à introduire avec une vue panoramique sans dépenser une fortune pour maquiller 40 ans de transformations urbanistiques – Jacques Déray tourne néanmoins la plupart des extérieurs dans la ville, où certains quartiers (notamment le Panier) permettent encore de faire revivre l’atmosphère des années trente sans trop de difficulté.

Au 2/3 du film, quand nos caïds sympathiques sont au sommet de leur gloire, Déray se paye le luxe d’une vue d’ensemble du vieux port où il fait revivre le pont transbordeur en couleur.

(à suivre)

*Le pont transbordeur de Marseille a été construit en 1905 par l’architecte Ferdinand Arnodin, constructeur de 9 des 18 pont transbordeurs recensés dans le monde. Le pont transbordeur de Marseille a été dynamité par l’occupant nazi en 1944. Des projets de reconstruction refont régulièrement surface.

MARIUS 1931 Alexander Corda

FANNY 1932 Marc Allégret

CESAR 1936 Marcel Pagnol

LA VIEILLE DAME INDIGNE 1965 René Allio

BORSALINO 1970 Jacques Deray

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